Arnaud Théval est artiste, né en 1971, diplômé de l’école des Beaux-Arts de Nantes en 1995, sa recherche artistique prend forme à partir de questionnements sur les enjeux de représentations du collectif, en particulier dans le monde du travail. Il réfléchit dès les années 2000 aux tensions entre l’individu, son individuation et sa relation au groupe lors de résidences dans les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire et à l’Institut de formation des maîtres à Nantes. Il créé en 2005 un espace de travail artistique nommé « Moi le groupe » dans les lycées professionnels de la Région des Pays de la Loire, venant bousculer les assignations faites aux jeunes dans une école prise dans ses paradoxes de discipline et d’émancipation.
Au tournant des années 2010, sa rencontre avec les philosophes Alain Kerlan et Christian Ruby lui ouvre de nouvelles perspectives de créations. L’écriture devient comme la photographie, la performance orale et l’installation, un de ses outils de langage irriguant un processus de création combinant art, politique et pédagogie. Alimenté par des penseurs comme Hannah Arendt, Michel Foucault, Jacques Rancière, Bernard Stiegler et John Dewey, son projet s’ancre dans l’espace public : aux bords des villes, dans le logement social ou en lien avec la justice et vers la formation.
En 2011, il devient Maître de conférence en art à l’école nationale supérieure d’architecture de Bordeaux. L’hôpital puis la prison, en tant qu’institutions, sont ses terrains de recherches, de résidences et de débats. Il y développe une œuvre protéiforme révélant les oxymores, les impensés et les violences liés aux séparations des corps, des pensées et des acteurs.
Art, politique, pédagogie
C’est sur et dans ces terrains hostiles aux questionnement dissensuels, qu’il engage sa recherche critique sur les enfermements et sur l’émancipation. L’enjeu de sa démarche consiste à penser la prison et l’hôpital par des écarts, à la recherche des possibilités de leurs transformations avec ses acteurs mêmes, en provoquant des porosités par l’intrusion de l’imaginaire et du débat.
Depuis 2019, il participe aux ateliers de recherche pour l’évolution de la politique publique Culture-Justice, rédige un essai sur l’art et la prison, anime des séminaires sur cette même question et il co-construit avec des chercheurs à l’école nationale d’administration pénitentiaire un atelier de travail sur les enjeux d’une formation à l’art et à la culture des personnels de l’administration pénitentiaire, et en particulier les surveillant.es.
Démarche
Arnaud Théval construit son projet artistique sur et dans l’espace social, en élaborant des dispositifs impliquant les personnes travaillant dans les institutions sociales, ou en cours de formation. L’enjeu est la création d’un art du dissensus, inquiétant l’univers des normes, jouant avec leurs codifications et les déplaçant pour des spectateurs de et hors institution. Il en souligne les stéréotypes liés aux représentations collectives afin de déceler les assignations dans lesquelles ces personnes s’enferment ou sont enfermées en réveillant le politique.
C’est notre relation à la démocratie qui est en jeu dans ces institutions publiques, c’est en cela que son rapport à celles-ci dans l’espace de l’art est central pour en dégager ce vers quoi elles tendent parfois : à se refermer sur des dispositifs auto-normant, voire auto-bloquant. L’œuvre se développe selon une temporalité longue et de manière fragmentaire. D’abord en créant dans ces institutions des espaces de travail qui deviennent l’atelier même de l’artiste. La rencontre s’opère au cœur d’un processus croisant des approches documentaire, anthropologique et philosophique.
Cette approche intimiste met en avant des singularités individuelles ouvrant sur la création d’une œuvre à l’extimité soucieuse du respect de l’autre. Cette dimension inclusive s’appuie sur une altérité permanente qui fait émerger depuis leurs récits une certaine corporéité au sein de l’institution. Elle engendre des productions tantôt photographiques, tantôt textuelles - une écriture de type narration non-fictionnelle - (discours, conférences, lectures, écrits) révélant les dissensus sous-jacents. Les installations d’images dans le lieu même de leurs créations créent des situations qui deviennent l’objet d’une nouvelle mise en récit avec une prise de distance affinant la critique des enfermements lors d’expositions et pour des publications.